Le Vase Bleu
Entre ciel et terre, ce vase est suspendu, pétri dans la matière même dont sont faits les nuages, et il se remplit doucement d'un air léger et doux qui fait mûrir ses formes. Limites hésitantes d'une poterie toute en retrait, elles découvrent une vibration qui n'ose s'affirmer, au gré des tons adoucis de pervenche et d'iris. Il s'approche de nous sans se rendre maître de l'espace, et sa pose empruntée cherche par degrés son contour final, sans doute retenu par quelque souci. Quel doux secret, se demandera-t-on, empêche encore sa beauté de donner sa mesure ? Il est dans la nature des vases de contenir des serments oubliés, des cantilènes, et des élans d'émotion ou de mélancolie qui ne peuvent plus se livrer. Sur les flancs de cette opaline folâtrent deux anses en forme de virgules, comme des naïades à la taille souple, prêtes à plonger dans le bleu limpide. Objet de secret, objet ravi par sa propre candeur, ce vase paraît facile et simple. Mais avec sa procession de fleurs timides qui se bousculent, il montre l'intense et vigoureuse imagination de l'artiste qui sait faire naître sa création dans une clarté d'aube indécise, et la laisse suspendue sur un fil léger.
Eric Levergeois
Philosophe
2015