Le Poulpe
C'est sur une poussière de corail que se déploie cet animal lent comme un agave fixé sur une roche lumineuse des profondeurs. La tonalité du rouge orangé crée non pas une réserve d'eau pour l'imagination, mais un paysage splendide et tranchant sur nos attentes d' abîme, car l'eau vibre et renvoie nos songes vers un foyer brûlant. Mais ce poulpe qui joue et qui pose, prend ses attitudes mesurées de plante en grand désir d'offrir des vibrations de mollusque convaincant. Par les boucles calmes qui terminent chacun de ses bras souples, l'une après l'autre répétant le même accent courbe, la même pointe retournée de pétale élégant dans un jardin, l'animal se joue de sa parure. Docile à quelque ordre de poser sous nos regards, il se pare de toutes les beautés florales comme pour se comparer. Mais on le sent encore impatient de finir tous ses mouvements de ballet, et une tension vive créée par l'orange flamboyant contre le vert glauque, nous retient devant cet instant d'équilibre qui est loin d'être statique. Il est là et il va partir ; il ne nous donne que l'instantané, et c'est par les touches fines et contrastées des deux espaces mouvants, l'un de lumière rouge, l'autre d'animal vert inquiétant, que l'artiste a créé cette pose d'un instant qui est surprise, moment de passage et pure création d'équilibre.
Eric Levergeois
Philosophe
2015